Le médecin référent : un être hybride et contesté
Coincé, le toubib. Entre les exigences de la Sécu, et celles du patient, volontiers pris en otage, qui prétend vaillamment suivre le parcours coordonné, il oscille plus ou moins entre faire plaisir – qu’est ce que je vous marque ? – et obéir à des subtilités technocratiques auxquelles sa médecine ne l’a pas préparé.
Le médecin référent, cet être hybride, ne l’a évidemment pas voulu. Comme tous les nouveaux produits que l’on teste, il n’a aucune idée de la sauce à laquelle il sera mangé. Il mécontente à la fois le producteur et le consommateur. Le médecin de notre enfance, c’était celui qui avait le sérieux, en même temps que le sourire. Qui écoutait notre petit cœur à même la poitrine, après qu’on ait placé une serviette propre sur notre corps fiévreux.
Ce médecin, on l’attendait longtemps. Parfois la journée. Lorsqu’il arrivait, entrait avec lui une odeur de science et d’humanité. Le médecin moderne lui, en réfère la plupart du temps à une administration qui n’en a cure.Il en est arrivé à passer plus de temps en paperasse qu’en auscultations ! La visite est réduite à un quart d’heure express. La conversation aussi : le médecin de famille, volontiers confident, rassurant voyageur de nos angoisses, a laissé la place à un homme pressé, tracassé, n’assurant plus le domicile que par exception. À ce titre on peut se demander à quand la consultation par téléphone seulement.
L’auto-médication a par voie de conséquence un bel avenir, dès que le patient aura appris par cœur le nom du médicament générique qui remplace désavantageusement l’aspirine de son enfance (celle où le médecin amenait avec lui une odeur de science et d’humanité, voir plus haut).
Ne soyons pas pour autant ringards, ni ingrats : l’homme de science cède peu à peu aux pressions de la société, pour laquelle la santé, véritable problème généraliste, n’importe pourtant que peu aux yeux de nos dirigeants, sinon en termes de chiffres.
De manière contradictoire, les nombreuses campagnes de prévention, et autres dépistages, tombent à plat devant cet être volontiers absent des anxiétés générées par ladite campagne. Or, ma santé, c’est ma vie ! Je prétends, moi patiente, bénéficier du meilleur, c’est à dire avoir accès aux meilleurs soins et spécialistes sans pour autant être qualifiée de “nomade médical”.
Je ne considère pas faire de nomadisme en exigeant une consultation de qualité.
Un médecin, faut-il le rappeler ? a prêté serment. Il n’a pas pour autant le sentiment de son devoir, et c’est bien regrettable. Où est le temps béni où notre docteur, tout à son jardinage, venait au pied levé, un dimanche, consulter votre père en pleine crise de calculs ?
Il avait le don d’aimer et la capacité de son art. Il n’était ni alarmiste, ni laxiste. Il décidait de ce qui était le mieux en toute simplicité.
Aujourd’hui que l’économie a pris le pas sur le bien-être du patient, on peut se demander avec inquiétude jusqu’où va aller ce lent strip-tease de nos droits ? Le malade est bien celui vers lequel diriger les progrès, et ils sont nombreux, en matière de santé, sans pour autant le stigmatiser ou le culpabiliser de ses maux. On a le droit de souffrir, de se sentir seul, et désemparé : tel est le propre de la maladie.
Si le médecin référent, en réfère plus à sa hiérarchie qu’à sa vocation, que va-t-il rester de cette précieuse collaboration entre deux êtres humains, qui seule peut être la base de la guérison ? Espérons seulement que le système n’écrasera pas davantage ceux qui en souffrance, attendent de la médecine un peu plus que d’être un numéro de Sécu.Et rétablissons d’urgence (pour éviter de les encombrer davantage) le dialogue avec le docteur. Celui qui ne nous fera pas douter de sa plaque, en grimpant son escalier. Des patients désabusés font du médecin un homme qui désempare, craintif de ce que l’on dira de lui. Réputation, quand tu nous tiens… Préjudices de la société, que ces consultations qui sont devenues peu à peu jeu de hasard ou affrontement. Il est grand temps de revenir au professionnalisme, sur un terrain qui ne permet pas d’approximation. On n’est pas approximativement médecin. On ne prend pas ses mercredi pour être avec ses enfants. On répond à toutes les demandes. On se déplace à domicile, même si la côte est rude et le stationnement peu aisé. On écoute. On rassure.On prescrit sur mesure une ordonnance lisible et pensée.
Ça fait partie du job. Rappelons au passage que ce “job”, n’est pas d’être pizzaïolo, c’est à dire, orienté par l’ANPE, dans le but d’ouvrir sa petite affaire. On ne se reclasse pas, on ne se recycle pas médecin : on a eu 9 ans pour réfléchir au bien -fondé de cet engagement.
Simple piqûre de rappel pour un médecin bien malade, au fond, dont le patient a plus souvent compassion, que rancœur. Mais était-ce le but ???
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